Kawah Ijen

C’est avec les trois français que nous avons rencontrés au parc national Bromo-Tengger-Semeru, Graziella, Joffray et Damien, que nous avons décidé de rejoindre le Kawah Ijen (cela signifie « cratère vert » en indonésien).


L'homme face à la nature


La route descendant du village de Cemoro Lawang à la ville de Probolingo était magnifique. Toutefois, notre arrivée dans la ville pour récupérer un bus allant à Bondowoso, une ville étape, n’a pas été sans mal. La mafia des bus s’est acharnée sur nous comme n’importe quel autre touriste. Ici, plus qu’ailleurs, nous aimerions passer inaperçu mais notre physique d’occidental ne le permet pas… Cette affaire nous a fait découvrir un pan du voyage en Indonésie plutôt harassant : il est impossible de prendre un bus local sans se faire coincer par différentes personnes qui cherchent à se faire une commission. Les indonésiens savent se faire des signes entre eux pour qu’il y ait toujours quelqu’un qui nous rattrape et nous coince… Difficile à expliquer. Notre acharnement a permis d’éviter trop de casse, c’est-à-dire des prix plusieurs fois supérieurs à ce que les locaux paient. Mais ce n’est que le début de ces déboires et ce n’est pas la meilleure partie du voyage.

Plantations de café sur le plateau d'Ijen

Au final, nous avons débarqués comme cinq français dans la ville de Bondowoso afin de se reposer le soir avant d’être en forme pour la randonnée de nuit du lendemain sur le volcan Ijen. Notre désir d’éviter les tours organisés oblige à se creuser les méninges pour trouver la meilleure façon de se rendre sur place ! Mais, on vous le dit par avance, le challenge a été relevé pour pas tant d’argent que ça et beaucoup de bonheur.

Bien sûr, l’arrivée des « blancos » (nous utilisons désormais cette expressions pour qualifier les personnes occidentales) dans un hôtel local attira quelques personnages intéressés. Nous avons fait la connaissance d’un homme proposant ses services pour nous conduire en jeep au pied du volcan Ijen. Cette option nous a paru être la plus intéressante car à cinq, le prix devient abordable. Nous avons planifié d’arriver le matin au pied du mont Ijen pour s’installer, notre but étant de dormir sur place et pour voir si nous pouvions faire l’ascension le jour même.

La pesée du soufre
A savoir, le Kawah Ijen est réputé pour le lac somptueux qui se trouve à l’intérieur du cratère et les flammes bleues que l’on peut apercevoir de nuit. Ce phénomène s’explique par l’inflammation du souffre s’échappant du volcan à une température de 200 degrés, la nuit cela produit des flammes bleues. Cela suppose d’y aller aux alentours de 3h du matin… Ce volcan est en fait une soufrière importante. Pour cette raison, des hommes récupèrent le souffre au fond du cratère pour le remonter en haut du cratère puis le redescendre au village afin de le vendre au poids les 70 à 100 kilos qu’ils transportent sur leurs maigres épaules à raisons de deux à trois aller/retour par jour… Ils vendent le kilo 1000 Roupies indonésiennes, c’est-à-dire environ 0,07 euros… Pourtant, lorsqu’on connait le revenu des personnes travaillant dans les champs, on comprend que ce métier attire, malgré tout, des candidats puisqu’il permet de gagner plus d’argent. En se baladant plus tôt dans la journée entre les trois baraques présentes au pied du volcan, nous avons découvert l’endroit où les porteurs de souffres font la pesée et déposent le souffre.





En arrivant à ce qui s’appelle Pos Paltuding, lieu où se trouve le poste de garde, notre chauffeur se précipite pour demander s’il y a des chambres pour nous et reviens aussitôt pour nous annoncer que tout est « full » (plein) ! C’est presque en se frottant les mains qu’un de ses amis arrive pour nous proposer une mignonne petite tente que nous pourrions partager à cinq en étant congestionné les uns contre les autres. Vous croyez bien qu’après des mois de voyage on ne se laisse pas faire comme ça et qu’on veut obtenir les informations par nous-même… Pendant que l’homme montait fièrement sa mini tente, nous avons décidé de faire le tour des trois baraquements pour être sûrs qu’il n’y avait pas d’abris plus conséquent sachant qu’il était prévu que la pluie tombe. Si les chambres étaient toutes réservées qu’en était-il de cette pièce vide que l’on constatait en regardant par la fenêtre ? L’équipe du poste de garde nous a accordé la location de cette vaste salle pour dormir à même le sol et nous avons négocié la location de sacs de couchages avec l’homme qui se frottaient presque les mains. Un vrai nid d’amour !

Le prix de l’entrée sur le volcan a été multiplié par dix en un an et n’est malheureusement valable que pour une journée. Ainsi, nous nous sommes réservés pour notre visite nocturne.
Réveil 2h du matin. La nuit est noire mais il y a des éclairs et cela fait déjà une bonne heure que des voitures se garent sur le parking. Il y a du monde qui attend l’ouverture du volcan Ijen (l’ascension est autorisée entre 2h et 14h). Il se met à pleuvoir. On se réunit dans un warung (restaurant ou boui-boui, un lieu pour manger et boire) pour ingurgiter un café en attendant de voir… S’il pleut, l’ascension de nuit n’est pas très conseillée et pas vraiment utile puisque les flammes bleues ne peuvent être visibles. Dès que nous avons constaté une trêve, nous sommes partis.


Magnifiques flammes bleues!
L’ascension n’est pas toujours facile et il faut entre 1h et 1h30 pour atteindre le haut du cratère. Graziella et Séréna montant à une allure similaire ont été accompagnées un moment par un porteur de souffre. Certains d’entre eux en étaient à leur première ascension, d’autres à leur seconde. La descente dans le cratère, nécessaire pour voir les flammes bleues, est plutôt dangereuse. Par chance, nous sommes descendus dans les premiers, ce qui permettait de ne pas être trop oppressés.
Nous avons chaussé les masques à gaz que nous avions loués, certains fonctionnaient d’autres pas vraiment puis entamé la descente … Un  porteur de souffre a tenu à accompagner Séréna dans ce fastidieux parcours, non sans demander son pourboire bien entendu. En effet, l’afflux de touristes sur leur lieu de travail a conduit les porteurs de souffre à faire un peu de commerce en vendant des morceaux de souffre, posant sur des photos ou accompagnant les gens dans le cratère.


La descente dans le cratère nous mena petit à petit dans les projections de souffre dont la fumée, très dense, brule les yeux et pique la gorge. Par chance, nous avons eu l’occasion de voir les fameuses flammes bleues ! Une belle vision. Quand la fumée se dirigeait vers nous, il fallait s’accroupir et se protéger en attendant que ça passe… C’est pour cela que certains sont remontés plus vites que d’autres.


La visite du Kawah Ijen n’a pas été sensationnelle uniquement du point de vue du paysage mais également car nous avons été témoin d’un travail terriblement violent.
Les porteurs de souffres travaillent quotidiennement dans cette fumée dense, parfois sans masque à gaz. Ils piochent des morceaux de souffre, les remontent dans deux paniers maintenus par une planche de bambou posée sur leurs épaules en jouant sur l’équilibre des pierres. Parfois en tongs… L’ascension pour retourner au bord du cratère à leur côté nous a fait percevoir de près la difficulté. Le souffle lourd et bruyant des hommes, les poumons emplis de souffre. Les épaules cornues et bleues, meurtris par la charge quotidienne. Il n’y a pas de mot pour décrire ce dont nous avons été témoins. Seulement, une envie de pleurer. Un silence contrit.

La deuxième photo au cas où vous n'auriez pas bien vu!

En remontant, la lumière du jour a commencé à pointer et le spectacle s’est avéré être sublime. Le lac bleu turquoise, la soufrière jaune, les roches du cratère blanches, grises, marrons, vertes, les fumées qui s’échappent de la soufrière, celles très légères qui surgissent de l’eau.


Un des plus beaux paysages que nous ayons vu. « A couper le souffle » comme dirait certains. Et en marchant autour du cratère, le soleil se faisant de plus en plus intense, nous avons découvert les monts alentours dans toute leur splendeur. Enfin, en redescendant nous avons enfin aperçu le paysage que nous n’avions pas vu durant l’ascension de nuit. Aux abords du chemin, nous avons même rencontré des singes !
La visite de ce volcan donna lieu à une expérience intense et bouleversante. Notre contemplation face à un paysage magnifique et un phénomène physique intriguant (les flammes bleues) a contrasté avec notre révolte pour la condition des personnes qui travaillent sur ce lieu.



Le souffre est utilisé en quantité dans l’industrie pharmaceutique de par le monde. Il semblerait que celui qui est extrait du Kawah Ijen soit aussi utilisé pour des cosmétiques, des engrais et des insecticides ! Des reportages existent sur ce sujet.

Nous avons ensuite rejoint le port de Ketapang, non sans avoir négocié sévèrement le tarif, afin de quitter l'île de Java pour découvrir celle de Bali!

Pour une fois qu'on a des photos de nous deux, on en profite!

4 commentaires:

  1. Rien à ajouter, terrible richesse du minéral - où plutôt terrible pouvoir de l'argent - qui fait souffrir au delà du dicible les hommes.
    Je pleure avec vous.
    Très gros bisous

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  2. La photo de vous deux est beaucoup trop mignonne.

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  3. Nous avons lu votre reportage avec un peu de retard, car nous étions partis rendre visite à la famille...et sans accès facile à internet (eh oui, en France, on a parfois moins de Wi Fi qu'en Asie !).
    Tout comme pour le Bromo, votre reportage est époustouflant !! Cela nous fait plaisir de revivre avec vous la découverte de ce volcan et d'avoir vos impressions : sublimes quant aux paysages, mais bien tristes pour les conditions de travail des porteurs de soufre (ils ne proposaient pas d'accompagner les touristes lors de notre passage, ça semble nouveau !).
    Par ailleurs, nous n'avions pas vu les flammes bleues, car personne ne nous en avait parlé.
    Nous apprenons donc des choses en vous suivant !

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